Sur la plage de Chesil : Ian McEwan

Publié le 7 Décembre 2012

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 Retour sur une passion amoureuse digne du Moyen-Âge. Edward et Florence sont deux étudiants qui tombent éperdument amoureux l'un de l'autre. Leur idylle se développe sur le mode courtois. Edward respecte la volonté de Forence de rester chaste jusqu'au mariage.

 Ils vivent une relation parfaite. Edward sait qu'elle est l'amour de sa vie, qu'elle sera la mère de ses enfants. Il les imagine déjà avec une fierté démesurée. Florence désire vivre toute son existence avec ce paysan attachant et cultivé.

 Leur union est scellée, cependant leur lune de miel va se révéler un véritable fiasco.

 

 Le lecteur se retrouve spectateur d'un huis clos où deux êtres se découvrent. Il constate stupéfait que les deux êtres complices dans leur vie mondaine se révèlent être de parfait inconnu dans leur vie privée.

 Ce roman regorge de référence à l'amour courtois. Le respect de chaque personnalité révèle des non-dits redoutables. Leur empathie réciproque selle leur destruction. Chacun apporte ses craintes sans jamais les dévoiler. Leurs introspections scandent leur mal-être. L'alternance des points de vue permet d'identifier les souffrances et les attentes de chaque personnage. Un troisième "personnage", la nature, rythme leur tempête intérieure. Le lecteur ne remet absolument pas cet amour en cause. Les gestes amoureux dissimulent très mal le problème de l'acte d'amour.

 Les seules paroles échangées sont violentes et irréversibles. Ian McEwan joue sur les ambiguïtés et les actes manqués.

 Ce roman est poignant d'amour et dérangeant par sa finalité. La musicalité des échanges non verbaux accentue de manière crescendo l'issue finale.

 Le lecteur se laisse envahir par le sentiment amoureux et ressent le désarroi des personnages placés devant une réalité cruelle : l'amour platonique peut nuire à l'amour physique.

 Durant tout ce roman, le romantisme reste présent ainsi que le suspense qu'en a l'issue de cette union.  Je vous conseille de le lire avec bienveillance.

 

 Voici quelques citations tirées du roman :

 " Ils avaient tellement de projets, des projets grisants, amassés devant eux dans l'avenir embrumé, aussi richement enchevêtrés que la flore estivale du Dorset, et aussi beaux. Où et comment ils vivraient, qui seraient leurs amis les plus proches, le poste qu'Edward occuperait dans l'entreprise de son beau-père, la carrière musicale de Florence, ce qu'ils feraient de l'argent qu'elle avait reçu de son père, et leur refus de devenir comme tout le monde, intérieurement du moins. C'était encore l'époque -elle se terminerait vers la fin de cette illustre décennie - où le fait d'être jeune représentait un handicap social, une preuve d'insignifiance, une maladie vaguement honteuse dont le mariage était le premier remède. [...]"

 "Bien sûr qu'il avait toujours su. S'il était resté dans une forme d'innocence, c'était faute de pouvoir mettre un nom sur les troubles de sa mère. Il ne l'avait jamais considérée comme une malade, tout en acceptant l'idée qu'elle était différente. Cette contradiction se trouvait désormais résolue par une simple expression, par le pouvoir qu'ont les mots de rendre visible ce qui ne se voit pas. Mentalement dérangée. Ces termes dissolvaient toute intimité, ils mesuraient froidement sa mère à l'aune de critères que tout le monde pouvait comprendre. Un fossé se creusait soudain, non seulement entre Edward et elle, mais aussi entre Edward et son environnement immédiat, et il sentit son être, ce noyau profondément enfoui dont il ne s'était jamais occupé jusqu'alors, acquérir une réalité objective, tête d'épingle incandescente dont il voulait que personne ne devine l'existence. [...]"

 "Ses réfexions n'étant pas adoucies ni embrumées par la rêverie amoureuse, il pouvait autopsier une insulte avec l'objectivité d'un médecin légiste. Et quelle insulte ! Quel mépris Florence lui avait témoigné par son cri de répulsion et cet essuyage fébrile avec l'oreiller, quelle façon de retourner le fer dans la plaie que de fuir sans un mot, le laissant porter seul la souillure dégoûtante de la honte et le poids de l'échec. Elle avait tout fait pour aggraver la situation, au point de la rendre irrattrapable."


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Rédigé par toujoursalapage

Publié dans #un goût d'Amérique

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O
Lu il y a déjà quelques temps j'avais beaucoup aimé. j'avais retrouvé la grâce du roman expiation. Si je ne sais pas si tu l'as lu sinon je te le conseille aussi avec bienveillance ;)
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T
<br /> <br /> Merci, je l'ajoute à ma liste. Le thème de la manipulation par les écrivains me tente.<br /> <br /> <br /> <br />